Mise en œuvre F-Gaz : pour une transition intelligente et non influencée

Par AdrienAdrien , le 01 octobre

Lors de son colloque qui s'est tenu la semaine dernière, l'AFCE a présenté les résultats de l'étude qu'elle a commandée sur les alternatives aux HFC. Les premières conclusions de cette étude, relayées par la presse spécialisée, ainsi que les présentations au colloque de plusieurs « experts » soulèvent plusieurs interrogations sur l'avenir des fluides frigorigènes, mais surtout sur l'objectivité des expertises qui sont publiées ou présentées.

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En effet, au prétexte de valoriser l'efficacité énergétique des différentes solutions, cette étude AFCE indique que la solution d’avenir pour de nombreuses applications est … un HFC ! Qu’en penser, alors que les pouvoirs publics (Commission européenne et ministère de la Transition Écologique notamment) ainsi que certains organismes communiquent régulièrement sur la nécessité de passer rapidement à des substituts sans impact sur le climat ?

Que penser aussi quand des études sérieuses montrent que le principal levier (devant les transports, l’alimentaire…) pour limiter les émissions de CO2 sont justement la sortie des HFC (voir le rapport https://www.drawdown.org/ de 70 chercheurs qui ont listé les 80 solutions prioritaires pour le dérèglement climatique.)  Faut-il encore rappeler que le dérèglement climatique est la priorité n°1. Que la communauté scientifique, unanimement, annonce des catastrophes dans les années à venir !

 

Le levier des HFC c'est : 

Réduction de 89,74 gigatonnes CO2 
-902.77 milliards de dollars économies opérationnelles nettes

Impact: analyse inclut des réductions d'émissions pouvant être obtenues grâce à la gestion et à la destruction des fluides frigorigènes déjà en circulation. En trente ans, contenant 87% des fluides frigorigènes susceptibles d'être libérés, on pourrait éviter des émissions équivalant à 89,7 gigatonnes de dioxyde de carbone. L'élimination progressive des HFC conformément à l'accord de Kigali pourrait éviter des émissions supplémentaires équivalant à 25 à 78 gigatonnes de dioxyde de carbone (non incluses dans le total indiqué ici). Les coûts opérationnels liés à l'évitement et à la destruction des fuites de frigorigènes sont élevés, entraînant un coût net prévu de 903 milliards de dollars d'ici 2050

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Le raisonnement qui permet à l’étude AFCE d’aboutir à cette conclusion est que l’impact sur le réchauffement climatique d’une technologie ne dépend pas uniquement des fuites de gaz à l’atmosphère (impact direct), mais également de la consommation électrique qu’elle va engendrer (impact indirect, via les émissions de CO2 pour produire l’énergie). Jusque-là, rien de choquant, c’est même un raisonnement très sensé.

Les choses se compliquent quand 1/ il faut chiffrer ces impacts directs et indirects en tonnes équivalent CO2, puis 2/ identifier les options technologiques parmi lesquelles il faut choisir une solution. Explications :

1/ si l’impact direct des fuites de HFC est relativement facile à estimer, c’est la quantité métrique de HFC ayant fui (donnée connue, voir inventaire des émissions du Citepa) multipliée par le PRP (GWP en anglais) du fluide, l’impact indirect est plus difficile à chiffrer. En effet, ce chiffre englobe les émissions de CO2 liées à la production d’énergie nécessaire à faire tourner l’équipement, mais également les émissions liées à la fabrication du fluide (qui peut, pour les HFC, engendrer des fuites de R-23, HFC dont le PRP est de 14 800), celles liées à la fabrication de l’équipement, ainsi que celles liées à la fin de vie (démantèlement, recyclage). Si les données liées à la consommation énergétique sont souvent connues, les autres catégories sont en revanche souvent négligées. Par ailleurs, les émissions de CO2 pour produire de l’électricité sont très variables d’un pays à autre selon son mix énergétique : dans les pays qui s’appuient majoritairement sur des centrales à charbon (USA, Pologne, par exemple) cette production d’électricité va être très émettrice de CO2, ce sera beaucoup moins le cas en France avec 72% de nucléaire et 19% de renouvelables. L’affirmation de l’IIF selon laquelle les émissions indirectes représentent 63% de l’impact climatique du froid cache donc de fortes disparités selon les pays, et doit être considérée avec beaucoup de recul ;

2/ Il ne viendrait à personne l’idée d’inclure dans une étude sur les alternatives les substances appauvrissant la couche d’ozone telles que les CFC et les HCFC, puisqu’elles ont été interdites (ou sont en passe de l’être dans certains pays en voie de développement). Pourtant, l’étude AFCE et plusieurs présentations faites la semaine dernière mettent en avant des fluides qui sont tout autant condamnés à moyen terme. En effet, la réglementation européenne prévoit une réduction de -79% des quantités de HFC entre 2015 et 2030, et des accords internationaux prévoient -85% de réduction d’ici 2035, ce qui signifie qu’à terme seuls quelques « secteurs - niches » très spécifiques pour lesquels il n’existe aucune alternative pourront continuer à consommer des HFC, et encore, dans des proportions réduites. Dans ces conditions, il convient de ne pas inclure les HFC dans le panel d’options technologiques à considérer pour le futur (même dans des mélanges comme R-448 / R-449 / R-452  car le PRP reste de l’ordre de plusieurs centaines), et de se concentrer sur les fluides alternatifs (ammoniac, hydrocarbures, CO2 et HFO non mélangés).

Bien évidemment, le propos ici n’est pas de minimiser l’importance de l’efficacité énergétique, mais de bien identifier parmi quelles alternatives le choix doit être fait. Par exemple, le CO2 présente pour certaines plages de température une efficacité énergétique médiocre voire mauvaise, il sera donc nécessaire de choisir un autre substitut parmi les 3 autres familles.

Dans tous les cas, la transition en cours est une rupture complète par rapport au passé, quand une seule famille de fluide répondait aux besoins de toutes les applications, car il n’y a pas et il n’y aura pas de solution « one fits all ». Cela implique donc que les bureaux d’études, les installateurs, mais également les utilisateurs, devront considérer de nombreux paramètres et contraintes, techniques ou économiques ou réglementaires, pour faire le choix le plus pertinent. Par exemple, il est possible de positionner les différents fluides sur le triangle ci-après, et selon l’application voulue d’indiquer les atouts et contraintes sur chaque axe pour ensuite identifier la solution. 

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En conclusion, il apparaît indispensable que les concepteurs, installateurs et donneurs d’ordre se dotent d’une expertise neutre par rapport aux influences des fournisseurs de fluides ou d’équipements, qui sont malheureusement aujourd’hui les plus vocaux en raison de leur poids économique actuel. Les fournisseurs de HFC ont un intérêt économique évident à ce que leurs produits, sous la forme de nouvelles générations et de mélanges, soient encore utilisés le plus longtemps possible. Il est de notoriété publique que plusieurs équipementiers font encore le choix de HFC pour les applications climatisation et pompe à chaleur, car pour eux aussi l’intérêt économique est de vendre aujourd’hui des technologies qui seront rendues obsolètes par le phase-down d’ici 5 à 8 ans, pour ensuite vendre un nouvel équipement avec une nouvelle technologie. Il n’y a ici aucune critique de ces acteurs, qui suivent un comportement économique rationnel. Mais pour que les installateurs gardent une certaine crédibilité auprès de leurs clients, après leur avoir expliqué il y a quelques années qu’il fallait passer aux HFC parce que les CFC et HCFC étaient condamnés, il leur faut développer cette expertise neutre et compatible avec le long-terme. Sans quoi, ils devront expliquer dans 8 ou 10 ans pourquoi le produit qu’ils ont conseillé et vendu n’est plus disponible et qu’il faut changer la machine. Idem pour les utilisateurs, ils doivent également se doter de conseils neutres technologiquement afin de ne pas avoir à remplacer leur équipement dans peu de temps.